Le Mali dénonce un complot de coup d’État impliquant un Français et accuse des puissances étrangères de déstabilisation

Opposition supporters react to the news of a possible mutiny of soldiers in the military base in Kati, outside the capital Bamako, at Independence Square in Bamako, Mali August 18, 2020. The sign reads: ‘Down with France and its governor.» REUTERS/Rey Byhre

15 août 2025. Le gouvernement de transition du Mali a annoncé l’arrestation de dizaines de militaires et de civils accusés de participer à un plan visant à « déstabiliser les institutions de la République ». Parmi les personnes arrêtées figurent deux généraux maliens et un ressortissant français, que les autorités accusent de travailler pour les services de renseignement de son pays. Cette annonce intervient dans un contexte de fortes tensions politiques internes et de confrontation ouverte avec d’anciens partenaires occidentaux.

Selon la version officielle, le réseau aurait commencé à être démantelé début août et aurait bénéficié du soutien « d’États étrangers ». Parmi les militaires arrêtés figurent le général de brigade Abass Dembélé, ancien gouverneur de Mopti, et le général Néma Sagara. Le ressortissant français, identifié par certains médias comme Yann Vezilier, est accusé d’agir pour le compte du renseignement extérieur français. Jusqu’à présent, aucune preuve publique n’a été présentée, laissant l’affaire entourée de l’opacité caractéristique de ce type de crise politique.

Cet épisode ne peut être compris indépendamment du tournant géopolitique dans le Sahel. Après avoir rompu avec la France en 2022 et expulsé les troupes étrangères, le Mali a renforcé sa coopération avec la Russie et ses alliés régionaux de la Confédération des États du Sahel (AES), aux côtés du Burkina Faso et du Niger, en quittant la CEDEAO et en dénonçant son rôle d’instrument des intérêts extérieurs. Dans ce contexte, l’arrestation d’un Français n’est pas un simple fait divers : c’est un geste politique qui alimente le discours de résistance aux ingérences occidentales, tout en servant à consolider le pouvoir de la junte face aux dissidences internes.

La conjoncture interne éclaire le moment choisi pour cette annonce. Le 12 août, à peine trois jours avant, l’ancien Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, l’une des rares figures politiques de poids hors du cadre militaire, a été arrêté dans le cadre d’une enquête pour corruption. En mai, la junte a dissous les partis politiques, et en juin, elle a prolongé de cinq ans le mandat du colonel Assimi Goïta, fermant toute perspective de retour rapide à un gouvernement civil. Dans ce cadre, la dénonciation d’un complot externe fonctionne aussi comme avertissement interne et instrument de contrôle.

L’histoire du Sahel est marquée par les interventions militaires étrangères qui ont affaibli les États, alimenté les conflits et ouvert la voie au pillage des ressources. La France, ancienne puissance coloniale, a maintenu une présence constante sous prétexte de « lutte contre le terrorisme », mais ses opérations ont laissé derrière elles plus d’insécurité et un rejet croissant. Que la junte malienne pointe aujourd’hui un agent français comme pièce d’un plan de coup d’État ne constitue pas un fait isolé : cela s’inscrit dans une longue série d’accusations d’ingérence allant des coups d’État dissimulés aux opérations de renseignement et à la manipulation politique.

Au-delà de la véracité ou non du complot dénoncé, il est évident que le Sahel reste un champ de bataille pour la souveraineté et le contrôle géopolitique. L’instrumentalisation des menaces extérieures, réelles ou supposées, peut renforcer des gouvernements de facto, mais elle exprime aussi une méfiance profonde envers des puissances qui, historiquement, ont agi dans la région comme arbitres et bénéficiaires, jamais comme alliés sincères de son développement.

Depuis l’expérience sahraouie, il n’est pas surprenant de constater que la France se place au centre d’opérations politiques et militaires visant à soutenir des régimes favorables à ses intérêts stratégiques et économiques, même au détriment des droits des peuples. Comme au Sahara Occidental, où Paris a été l’un des principaux soutiens de l’occupation marocaine, le schéma se répète au Sahel : appui diplomatique, coopération militaire sélective et, si nécessaire, opérations clandestines. La leçon est claire : la véritable souveraineté en Afrique passe par la rupture avec les rouages de l’ingérence néocoloniale.

Sources consultées : Agence France-Presse (AFP), Le Monde, Associated Press (AP), TRT World, TF1 Info, Yenisafak, France 24, Al Jazeera, Policy Center for the New South, analyse de contexte historique et géopolitique du Sahel élaborée par la rédaction de NO TE OLVIDES DEL SÁHARA OCCIDENTAL.