L’occupation du Sahara Occidental ne se “résout” pas avec le soi-disant plan d’autonomie marocain | 🇪🇭 DÉMONTAGE DE MYTHES

Depuis près de deux décennies, le Maroc tente d’imposer son soi-disant “plan d’autonomie” comme la clé pour clore définitivement la question du Sahara Occidental. À force de répétition et grâce à des complicités internationales, ce récit s’est imposé dans certains cercles politiques et médiatiques qui le présentent comme “la solution la plus réaliste”. Mais il ne s’agit pas de réalisme, mais de résignation face à une occupation illégale. Derrière cette formule se cache un objectif clair : liquider le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et blanchir, avec un vernis de légitimité internationale, l’annexion d’un territoire reconnu par l’ONU comme non autonome et en attente de décolonisation.

Le discours qui accompagne ce plan est profondément politique : il vise à déplacer le centre du débat, de l’autodétermination vers l’acceptation de la souveraineté marocaine comme point de départ, transformant l’occupant en “administrateur légitime” et la victime en “minorité à intégrer”. Ce changement de cadre n’est pas innocent : il répond aux intérêts stratégiques de puissances qui privilégient les accords économiques, militaires et énergétiques avec Rabat plutôt que le respect du droit international. Accepter cette prémisse ne trahit pas seulement un peuple qui vit depuis près d’un demi-siècle en exil et sous répression, mais crée aussi un dangereux précédent pour tous les processus de décolonisation encore inachevés dans le monde.

Le soi-disant plan d’autonomie est incompatible avec la légalité internationale. La Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale des Nations Unies proclame que « tous les peuples ont le droit à l’autodétermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique ». De même, l’Avis consultatif de la Cour internationale de Justice (1975) a clairement affirmé qu’« aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara Occidental et le Royaume du Maroc n’a été établi ». Toute proposition reposant sur la prémisse d’une souveraineté marocaine imposée est donc contraire au droit international. Les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne en 2016, 2018 et 2021 ont réaffirmé que le Sahara Occidental est « un territoire distinct et séparé » du Maroc, et que son peuple doit donner son consentement pour tout accord le concernant, invalidant ainsi tous les actes et projets menés sans ce consentement.

Même dans une perspective purement hypothétique, l’application d’un plan d’autonomie dans le contexte politique marocain est dénuée de toute crédibilité. Nous ne parlons pas d’un État démocratique doté d’institutions indépendantes et de garanties effectives des droits, mais d’un régime autoritaire où le pouvoir est concentré autour du monarque et du Makhzen, avec des structures et des pratiques d’allure quasi médiévale. La répression du mouvement rifain en 2017, les arrestations massives de journalistes et d’activistes, et la criminalisation de toute manifestation pacifique dans le reste du pays montrent que Rabat ne tolère aucune dissidence, pas même à l’intérieur de ses frontières reconnues. Comment pourrait-on imaginer une véritable “autonomie” dans un territoire occupé, alors que dans l’ensemble du pays les libertés fondamentales – d’expression, d’association, de manifestation – ne sont pas respectées ? Dans ces conditions, ce plan n’est pas seulement illégal au regard du droit international, mais aussi impraticable : une manœuvre destinée à rassurer la communauté internationale tout en maintenant intact le contrôle absolu de Rabat.

Présenter ce plan comme “la solution” n’est pas seulement juridiquement nul, mais aussi politiquement pervers. Remplacer le référendum par une autonomie sous occupation revient à légitimer l’usage de la force pour s’approprier un territoire – pratique interdite par la Charte des Nations Unies. Cela signifie aussi institutionnaliser la répression contre la population sahraouie dans les territoires occupés, où militants et journalistes sont poursuivis, emprisonnés et, dans bien des cas, torturés pour avoir exercé leur droit à la protestation ou pour avoir informé. Selon Amnesty International, des figures comme Sultana Jaya ont passé des années en assignation à résidence sans procès, et l’ONU a documenté des détentions arbitraires et des procès sans garanties contre les défenseurs des droits humains.

À la répression politique s’ajoute le pillage économique. Le Maroc extrait chaque année plus de deux millions de tonnes de phosphate du gisement de Bou Craa, l’un des plus grands au monde, et les exporte sans le consentement du peuple sahraoui, comme le documente Western Sahara Resource Watch. Des entreprises européennes et multinationales ont signé des contrats illégaux pour exploiter les zones de pêche atlantiques au large des côtes sahraouies, en dépit des arrêts de la CJUE interdisant d’inclure le Sahara Occidental dans des accords commerciaux sans l’accord explicite de ses représentants légitimes. Rabat développe également des mégaprojets d’énergie éolienne et solaire dans le territoire occupé, destinés à alimenter à la fois le Maroc et des entreprises étrangères, perpétuant un modèle d’exploitation qui prive la population autochtone de tout bénéfice.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a établi dans sa Résolution 690 (1991) la création de la MINURSO afin d’organiser un référendum libre et équitable permettant au peuple sahraoui de « décider librement de son destin ». Cette obligation n’a pas disparu, même si le Maroc et ses alliés tentent de l’enterrer sous un langage diplomatique calculé. Ni l’ONU n’a approuvé ce plan comme unique voie, ni elle ne peut le faire sans violer ses propres principes fondateurs.

L’occupation du Sahara Occidental n’est pas “résolue” par le plan marocain. Ce qu’il résout, c’est uniquement le besoin de Rabat d’obtenir une reconnaissance implicite de son occupation et de continuer à exploiter impunément un territoire qui ne lui appartient pas. La communauté internationale – et en particulier les États qui se disent défenseurs du droit international – a l’obligation politique et morale de rejeter cette tentative de clôture fictive. La vérité est simple : tant que le droit à l’autodétermination ne sera pas garanti, il n’y aura pas de paix ; et tant que l’occupation persistera, le Sahara Occidental restera un dossier ouvert de décolonisation inachevée.

Ce plan ne “résout” rien pour le peuple sahraoui : il institutionnalise la répression et le pillage des ressources. Sans autodétermination, pas de paix.